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Guide : Reprise d'une entreprise en difficulté en France

Difficulte
10 min de lectureJanvier 2025

1. Identification des entreprises en difficulté

Les entreprises en difficulté présentent souvent des indicateurs financiers en déclin, symbolisés ici par une tendance graphique orientée à la baisse. Repérer ces entreprises requiert de connaître les bons canaux d'information et d'évaluer si leur reprise est viable.

Les repreneurs potentiels peuvent rechercher des affaires en difficulté via plusieurs sources :

Plateformes spécialisées et réseaux officiels – Des sites publient des annonces de sociétés en redressement ou liquidation. Par exemple, le Conseil National des Administrateurs Judiciaires (CNAJMJ) propose la plateforme Actify, et l'ASPAJ (Association professionnelle des administrateurs judiciaires) diffuse des appels d'offre de cession. Des portails comme Enchères publiques ou Infogreffe listent également des entreprises à reprendre suite à procédures. Le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) publie quant à lui les ouvertures de procédures (redressements, liquidations), consultable gratuitement en ligne. Les réseaux professionnels et les cabinets spécialisés en transmission d'entreprise peuvent enfin signaler de manière confidentielle des PME en difficulté cherchant un repreneur.

Tribunaux de commerce et mandataires – Sur place, les tribunaux de commerce affichent ou communiquent les affaires en cours de cession. Assister aux audiences dédiées peut informer des opportunités à la barre. Les administrateurs judiciaires et mandataires-liquidateurs jouent un rôle clé : ils gèrent les entreprises en procédure et cherchent activement des candidats repreneurs sérieux. On peut se faire connaître d'eux pour être informé en amont des dossiers disponibles. Par ailleurs, les annonces légales de cession (souvent publiées dans la presse régionale ou spécialisée) sont une autre voie pour détecter ces opportunités.

Critères de sélection des opportunités

Toutes les entreprises en difficulté ne se valent pas en termes de potentiel de redressement. Il convient d'évaluer :

La cause des difficultés : est-elle conjoncturelle (crise sectorielle, perte d'un client majeur) ou structurelle (modèle économique obsolète, marché en déclin) ? Une société aux produits dépassés ou promis à l'interdiction réglementaire a peu de chances de rebondir. En revanche, une entreprise dont le marché reste porteur mais qui souffre d'erreurs de gestion peut constituer une bonne affaire si l'on apporte de meilleures pratiques.

Le niveau du passif et des pertes : des dettes trop lourdes ou des pertes chroniques depuis de nombreuses années compliquent le redressement. Une opportunité viable est souvent une entreprise dont l'activité génère encore un certain chiffre d'affaires (preuve d'un marché existant), mais freinée par une structure de coûts inadaptée ou des problèmes de trésorerie.

Les atouts restants de l'entreprise : base de clients fidèles, savoir-faire particulier, marques ou brevets valorisables, équipe clé compétente encore en place, etc. Ces éléments intangibles peuvent justifier qu'un repreneur s'y intéresse malgré la situation. À l'inverse, si la réputation est ternie et l'équipe démotivée, la relance sera plus ardue.

2. Analyse financière et diagnostic des problèmes

Une analyse financière rigoureuse est indispensable pour diagnostiquer objectivement l'état d'une entreprise en difficulté. En évaluant les tendances comptables sur plusieurs exercices, le repreneur peut comprendre l'origine des problèmes et mesurer l'ampleur des redressements à opérer.

Étudier les comptes et ratios clés

Le repreneur doit passer au crible les bilans et comptes de résultat des 3 à 5 dernières années. Quelques indicateurs financiers d'alerte sont généralement révélateurs :

Baisse du chiffre d'affaires : Une tendance prolongée à la diminution du CA est un signal d'alarme évident. Il faut en mesurer l'ampleur (déclin léger ou chute brutale) et en chercher la cause : perte de clients majeurs, concurrence accrue, problème commercial interne.

Détérioration de la marge et des résultats : Si le CA baisse ou stagne tandis que les coûts fixes restent élevés, la marge se réduit. Une entreprise qui casse ses prix pour conserver du volume verra sa marge brute chuter dangereusement. L'analyse doit porter sur la marge opérationnelle (ex. EBE – Excédent Brut d'Exploitation) et le résultat net.

Tensions de trésorerie : "La trésorerie est le nerf de la guerre" rappelle un expert. Un fonds de roulement négatif, une montée de l'endettement court terme (découverts, retards fournisseurs) ou des incidents de paiement signalent que l'entreprise pourrait être en cessation de paiements imminente.

Endettement excessif : Des ratios d'endettement trop élevés compromettent la viabilité. Par exemple, un ratio dettes financières / capitaux propres >> 1 indique une dépendance excessive aux créanciers. De même, si les charges d'intérêts dépassent 30% de l'EBE, l'entreprise peine à couvrir le service de sa dette.

3. Reprise à la barre du tribunal

Si l'entreprise convoitée fait l'objet d'une procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire), sa reprise s'effectue dans un cadre judiciaire spécifique encadré par le Code de commerce. On parle de reprise « à la barre du tribunal ».

Les procédures collectives ouvertes à la reprise

Il existe trois principaux types de procédures pour les entreprises en difficulté, avec des possibilités de reprise différentes :

Sauvegarde : Procédure ouverte à la demande du dirigeant avant cessation de paiements. Elle vise à permettre à l'entreprise de se restructurer sans changer de propriétaire. Aucune cession forcée n'est prévue dans le cadre d'une sauvegarde.

Redressement judiciaire (RJ) : Procédure ouverte une fois l'entreprise en état de cessation de paiements. Durant la période d'observation (généralement 6 mois, renouvelable), l'administrateur judiciaire tente d'élaborer un plan de redressement avec le dirigeant.

Liquidation judiciaire (LJ) : Si l'entreprise est en cessation de paiements sans perspective de redressement, le tribunal prononce la liquidation. Un mandataire-liquidateur est nommé pour vendre les actifs.

Processus de dépôt et sélection des offres

Le calendrier est imposé et souvent très court. Dès l'ouverture de la procédure, le tribunal fixe une date limite pour les offres (parfois seulement quelques semaines, voire moins dans l'urgence). Le candidat reprend alors ces étapes :

Prise d'information – Retrait du dossier de présentation auprès de l'administrateur. Visites éventuelles de sites, rencontres possibles avec le dirigeant ou le personnel clé avec accord de l'administrateur.

Rédaction de l'offre – L'offre de reprise, adressée à l'administrateur, doit comprendre tous les éléments exigés par la loi. Notamment : le périmètre exact des biens repris, la liste des contrats maintenus, le nombre de salariés repris et leurs fonctions, le prix offert et ses modalités de paiement.

4. Mise en place d'une stratégie de redressement

Devenir propriétaire d'une entreprise en difficulté n'est que le début du défi : il faut ensuite la relancer sur le chemin de la viabilité. Une fois la reprise effectuée, le repreneur doit déployer un plan de redressement structuré.

Stabilisation financière à court terme

Dès la reprise, la priorité est d'assurer la trésorerie pour les premiers mois. Le repreneur injecte souvent un fond de roulement initial (en fonds propres ou via un prêt déjà négocié) car l'entreprise reprise sort généralement exsangue financièrement.

Restructuration des coûts et de l'organisation

Il faut adapter la structure de l'entreprise à son niveau d'activité réel. Souvent, les entreprises en difficulté ont une base de coûts fixes trop élevée par rapport à leur marge brute. Le repreneur doit identifier rapidement les économies possibles : réduction des frais généraux, mutualisation de fonctions support, renégociation des contrats trop onéreux.

Relance commerciale et repositionnement

En parallèle des mesures internes, il est crucial de s'occuper du redéveloppement du chiffre d'affaires. La survie de l'entreprise passe par le retour de clients et de commandes.

5. Exemples concrets de reprises réussies en France

Pour illustrer ces principes, voici quelques cas réels de reprises d'entreprises en difficulté qui ont abouti à un succès :

Duralex (2021-2024) – Reprise par les salariés en coopérative : L'entreprise de verrerie emblématique Duralex, en redressement judiciaire en 2021, a été reprise par ses propres salariés sous forme de coopérative (SCOP) en 2022. Tous les emplois (226 salariés) ont été sauvés grâce à ce projet où 138 salariés sont devenus associés en investissant chacun au moins 500 €.

Kem One (2013-2021) – Retour d'un géant industriel : Kem One, acteur majeur de la chimie employant 1 400 personnes, a connu une cessation de paiements retentissante en 2013. Placé en redressement judiciaire, il a été repris fin 2013 par un industriel expérimenté avec un programme d'investissement ambitieux de plus de 500 M€ pour moderniser les usines et améliorer la compétitivité.

Chaque reprise est unique, mais ces exemples concrets partagent des constantes : un repreneur engagé et compétent, un plan de redressement crédible concentré sur les causes réelles des problèmes, et souvent le soutien d'un écosystème autour du projet.

En France, des centaines d'emplois sont sauvés chaque année par la reprise d'entreprises en difficulté. Certes, l'exercice est risqué, mais lorsque tous les ingrédients du succès sont réunis, le pari du "repreneuriat" peut s'avérer gagnant tant pour le repreneur que pour l'économie locale.