Le vrai sujet : reprendre le contrôle de votre deal flow M&A
Vous voulez un deal flow M&A qui vous donne l’avantage sur le prix, la structuration et le timing. En 2025, la fenêtre s’est rouverte, mais elle n’est pas « large ouverte ». Les volumes de transactions reculent encore au niveau mondial sur le premier semestre, tandis que les valeurs progressent à deux chiffres : la compétition se concentre sur moins d’actifs, plus gros, avec plus de prétendants. La conséquence opérationnelle est limpide : le simple fait d’être « présent » sur les flux visibles ne suffit plus, il faut concevoir son accès au marché—et donc piloter finement le mix outbound (origination proactive) et inbound (flux entrants).
Pour situer le décor : 2024 s’est soldée par un redressement de la valeur globale des deals (≈ +13 % pour atteindre ~3,6 T$ selon les grandes maisons), et les premiers mois de 2025 confirment une dynamique portée par quelques transactions majeures. En clair, les bons deals se font… mais rarement sur les mêmes circuits qu’en 2021.
Inbound et outbound : ce que ces mots recouvrent vraiment (sans jargon)#
L’inbound est tout ce qui arrive « à vous » : dossiers d’intermédiaires (banques d’affaires, avocats, experts-comptables, notaires), recommandations de votre réseau, formulaires arrivant via votre site, retours à vos publications sectorielles, ou encore invitations à des process compétitifs. L’atout de l’inbound, c’est la vélocité et un niveau d’information souvent structuré (teaser, chiffres clés, calendrier). Son angle mort : la pression concurrentielle, la dépendance au cadrage du conseil, et la prime au mieux-disant.
L’outbound est la construction d’accès « off-market » : cartographier un univers précis, repérer des signaux (succession, carve-out, niches adjacentes pour build-up), approcher le dirigeant-propriétaire et instaurer un dialogue avant tout process formel. L’atout de l’outbound, c’est la maîtrise : du timing, du périmètre, de la narration stratégique. Sa contrepartie : il faut des données propres, une méthode, et une conformité RGPD/CNIL impeccable en B2B (information des personnes, opposition simple, pertinence du message vis-à-vis de la fonction).
Les faits 2024–2025 qui changent la donne pour votre deal flow M&A#
Trois mouvements structurent votre terrain de jeu.
Premièrement, la dissymétrie volumes/valeurs. Les volumes de deals mondiaux ont reculé en H1 2025, mais la valeur agrégée a progressé d’environ 15 %. Résultat : la compétition se déplace vers des transactions plus concentrées, et les « bons dossiers » sont au prix fort si vous arrivez tard. L’inbound vous expose mécaniquement à ces effets, car il vous met face aux mêmes acheteurs au même moment. L’outbound vous permet d’arriver plus tôt et d’éviter certains effets d’enchère.
Deuxièmement, l’ère du buy-and-build s’installe. Les add-ons continuent d’être la voie royale des fonds et plateformes : en Europe, ils pèsent environ deux tiers des buyouts en début 2025. Pour un acquéreur industriel ou un fonds en build-up, cela signifie que l’accès différenciant vient de votre capacité à cartographier finement les niches adjacentes et à prendre contact avant l’apparition d’un teaser public.
Troisièmement, le retour des carve-outs. Les groupes désinvestissent davantage d’actifs non-cœur ; cette source d’opportunités progresse depuis 2024 et alimente 2025, côté corporate comme côté fonds. Les carve-outs récompensent l’outbound bien exécuté : il faut parler « séparation » (périmètre, TSA, IT/HR, marque) au bon niveau et au bon moment.
Choisir son mix : comment décider sans se raconter d’histoires#
Votre mix outbound/inbound ne doit pas être idéologique mais fonctionnel : selon votre thèse, votre taille de chèque, votre réputation d’exécution et votre horizon, vous arbitrez entre vitesse (inbound) et contrôle (outbound).
L’inbound est irremplaçable pour capter vite des dossiers « prêts » : vous acceptez alors la concurrence, la discipline de process et—souvent—des niveaux de prix tendus. C’est parfait si votre force est la due diligence rapide, la certitude de financement et la capacité à closer dans les délais du conseil. A contrario, l’outbound est l’outil n° 1 pour bâtir un deal flow défendable : vous cadrez le périmètre, sécurisez une relation dirigeant plus tôt, et vous maîtrisez le tempo. C’est plus intensif en préparation et en données, mais cela réduit la variance de prix et augmente votre taux de conversion LOI→closing lorsque le fit stratégique est réel.
Dimension | Outbound (proactif) | Inbound (entrant) |
---|---|---|
Accès | Dirigeant/propriétaire avant process | Intermédiaire, réseau, process cadré |
Vitesse initiale | Plus lente à amorcer | Rapide (teaser + calendrier) |
Contrôle du cadrage | Élevé (périmètre, narration, timing) | Moyen (cadre du conseil) |
Concurrence prix | Faible à modérée | Élevée |
Idéal pour | Add-ons, carve-outs, successions discrètes | Dossiers > 5–10 M€ EV, secteurs « chauds » |
Lecture utile : en buy-and-build, les meilleures extensions s’obtiennent rarement via un teaser visible. Cette logique est renforcée par la part dominante des add-ons en 2024-2025. (PitchBook)
Concevoir une machine outbound crédible (qui décroche des rendez-vous)#
Un outbound qui marche repose sur trois piliers : des données solides, un message utile, une conformité carrée.
Des données solides. En France, votre socle vient de SIRENE (univers, codes NAF, tranches d’effectifs, géographie), du RNE (événements statutaires récents : changements de dirigeants, transferts, créations), et du BODACC (publications légales : cessions de fonds, fusions, procédures collectives). Ces sources sont ouvertes et requêtables, mais leur qualité varie : le RNE a connu en 2023 des enregistrements fantaisistes, radiés depuis pour beaucoup, d’où la nécessité de croiser systématiquement les flux (SIRENE ↔ RNE ↔ BODACC) avant d’engager un dirigeant.
Un message utile. Votre premier contact ne vend rien : il documente. Deux phrases montrent que vous comprenez l’activité (produits, canaux, ancrage local, signaux publics observés), puis vous explicitez pourquoi votre approche a du sens maintenant (succession possible, adjacence stratégique, continuité de l’équipe) et ce que vous proposez : un échange de 20–30 min sous NDA si affinités. L’expérience montre que la personnalisation factuelle—et non le « copier-coller MBA »—fait la différence.
Une conformité carrée. La prospection B2B peut se fonder sur l’intérêt légitime si votre message est pertinent vis-à-vis de la fonction du contact, à condition d’informer clairement et d’offrir un opt-out simple à chaque envoi. En B2C, le consentement préalable est requis. Faites court, pertinent, traçable.
Industrialiser sans s’ensabler. Travaillez par vagues (listes priorisées, messages datés, relances planifiées), documentez chaque échange (fenêtre, objections, relais internes), et tenez une revue hebdomadaire pipeline avec des décisions écrites go/no-go. Côté outillage, un moteur comme Forge (sourcing France) facilite l’agrégation SIRENE/RNE/BODACC, la normalisation et le scoring, avec export propre vers votre CRM—gain de temps direct sur la phase amont.
Mettre l’inbound au service de la conversion (et pas l’inverse)#
L’inbound n’est pas un bac de collecte, c’est un canal de conversion. Les dossiers d’intermédiaires accélèrent le time-to-deal mais testent votre discipline : vous devez répondre vite, cadrer vos questions, et positionner votre proposition de valeur : gouvernance de transition, plan de 100 jours crédible, certitude de financement, et un point de vue clair sur les synergies. La dynamique 2024–2025 le confirme : la remontée des mégadeals et des take-privates a tiré les valeurs, mais le mid-market reste sélectif ; votre crédibilité d’exécution est la variable la plus observable… et la plus différenciante.
Construisez trois voies d’entrée : 1) un réseau d’intermédiaires entretenu (banques pro, avocats, experts-comptables, notaires) avec un brief précis mis à jour trimestriellement ; 2) une thèse publique d’une page (3 critères, 3 no-go, preuves de sérieux) ; 3) une présence sélective (fédérations, salons, tribunes sectorielles). Puis tenez vos SLA internes : accusé de réception < 24 h, retour Q&A < 48 h, indisponibilité expliquée. L’inbound est une question de réputation autant que de sourcing.
Deux scénarios illustratifs pour piloter votre pipeline#
Pour donner des ordres de grandeur pédagogiques (et non des statistiques de marché), voici deux scénarios de travail qui aident à dimensionner les efforts et à fixer des objectifs internes.
Scénario A – Outbound ciblé pour un build-up. Vous partez d’une cartographie d’environ 1 200 sociétés dans 5 régions sur trois codes NAF adjacents à votre plateforme. Après un premier scoring, 300 cibles sont priorisées. Une séquence courte (email contextualisé, appel bref, relance) déclenche un nombre à un chiffre de conversations dirigeant dans le mois, puis quelques dossiers qualifiés sur 60–90 jours. Vous ne cherchez qu’une LOI : l’outbound vous offre surtout le choix et le timing, pas une « grande quantité » de dossiers à traiter.
Scénario B – Inbound intermédiaires en small cap. Quatre conseils actifs vous partagent 6–10 teasers pertinents par mois. Après filtre thèse/fit, deux dossiers partent en data-room tous les deux mois. La conversion en LOI dépend de la concurrence et du prix demandé ; votre différenciation—plan de 100 jours, structure de financement, sérénité d’exécution—fait souvent plus que les 0,5–1,0x de multiple supplémentaires.
Le message est simple : dimensionnez l’outbound pour créer la rareté (accès précoce, relation dirigeant), et utilisez l’inbound pour accélérer là où votre exécution est supérieure.
Ce qu’il faut surveiller (les KPIs qui éclairent vraiment)#
Plutôt que d’empiler les métriques, suivez celles qui racontent l’histoire du deal : la part d’opportunités issues d’outbound parmi vos LOI, le délai médian entre premier contact et LOI, le taux de transformation conversation→dossier qualifié, puis LOI→closing. Si votre part outbound est faible et que vos LOI viennent massivement d’inbound concurrencé, vous subissez le marché. Si, au contraire, vos LOI sortent majoritairement de conversations initiées en amont, vous pilotez votre destin—et votre prix d’entrée.
Mise en œuvre concrète, côté données et conformité (France)#
Commencez par un socle de données fiable : téléchargez ou interrogez SIRENE pour établir l’univers (identités, établissements, NAF, effectifs, géographie). Connectez-y le RNE—registre unique tenu par l’INPI depuis le 1ᵉʳ janvier 2023—pour capter les événements récents d’immatriculation et de gouvernance. Branchez enfin le BODACC (API ouverte) pour suivre les publications légales liées aux opérations (cessions de fonds, fusions, procédures) et croiser les signaux. Gardez à l’esprit que le RNE a connu en 2023 des inscriptions frauduleuses : d’où l’importance d’un contrôle croisé avant toute prise de contact.
Côté conformité, rappelez-vous que la prospection électronique B2B peut reposer sur l’intérêt légitime, à condition d’informer les personnes et de leur offrir un moyen simple d’opposition. Les messages doivent être pertinents au regard de la fonction du contact ; conservez les preuves d’information et tenez un registre de traitement.
Côté outillage, l’objectif n’est pas de multiplier les logiciels mais de réduire le temps non productif : un outil comme Forge permet d’agréger SIRENE/RNE/BODACC, de normaliser les raisons sociales, de dédupliquer SIREN/SIRET, et de produire des exports propres pour votre CRM. Le résultat attendu n’est pas « plus de data », mais moins de friction entre la thèse et la première conversation utile.
À retenir (et à activer dès cette semaine)#
Le deal flow M&A performant en 2025 n’est ni tout-inbound ni tout-outbound. Il est orchestré. L’inbound vous apporte la vitesse, à condition d’assumer la concurrence et de vous différencier par l’exécution. L’outbound vous rend le contrôle, à condition d’investir dans des données propres, des messages utiles et une conformité rigoureuse. Concrètement, publiez une thèse d’une page, arrimez votre sourcing à SIRENE/RNE/BODACC, disciplinez votre pipeline par des revues hebdomadaires… et lancez une première vague outbound sur 200–300 cibles priorisées. Vous saurez vite si votre thèse respire—ou si elle a besoin d’air.